Avoir un foie gras est associé au poids de naissance

Les volontaires de Constances avec un petit ou un gros poids à la naissance ont une probabilité plus forte d’avoir un « foie gras ». Publié en avril 2022 dans Hepatology, ce résultat conforte l’origine précoce de certaines maladies de l’adulte.

Depuis les années 1980, le concept d’une origine fœtale de certaines maladies s’est imposé. Ce concept s’est bâti sur l’étude de cohortes britanniques qui ont révélé une association entre les petits poids de naissance et certaines maladies : crises cardiaques, bronchopneumopathie chronique ou diabète de type 2 à l’âge adulte. La cohorte française Constances apporte une nouvelle pierre à cette théorie en montrant une association entre poids de naissance et probabilité d’avoir un « foie gras ».

La maladie du « foie gras » – aussi appelée stéatose hépatique non alcoolique (NAFLD – non alcoholic fatty liver disease) – se caractérise par une accumulation de graisses dans les cellules du foie, en dehors de toute absorption excessive d’alcool. A cause d’une consommation trop importante de graisse et de sucre, le foie se surcharge en graisse et ne parvient plus à l’éliminer. Bénigne dans sa forme la plus simple, cette pathologie surnommée « maladie du soda » ou « maladie de la malbouffe » peut évoluer vers des complications : inflammation (stéatohépatite ou NASH, pour Non Alcoholic Steatotic Hepatitis en anglais) puis cirrhose irréversible.

55 000 volontaires de Constances inclus dans l’étude

L’étude a porté sur 55 000 volontaires de Constances pour lesquels leur poids de naissance avait été noté à partir du carnet de santé amené lors du premier bilan de santé. Pour déterminer si ces volontaires avaient un foie gras ou des signes de cirrhose, les chercheurs ont utilisé les bilans sanguins (cholestérol, niveau des enzymes caractéristiques du fonctionnement du foie, et quantité de plaquettes) et les mensurations (taille, poids). Ces données collectées dans les centres d’examens de santé permettent en effet de déterminer à 75 % le risque d’avoir un foie gras sans besoin d’échographie. Il a ainsi pu être estimé que 10 % des 55 000 volontaires intégrés dans l’étude avaient un foie gras. A noter que les participants avec une consommation excessive d’alcool (+ de 3 verres par jour pour les hommes et + 2 de verres par jour pour les femmes) étaient exclus de l’étude pour n’étudier que le foie gras non lié à l’alcool.

Poids de naissance et « foie gras »

Les chercheurs ont trouvé que la probabilité d’avoir un foie gras n’était pas uniformément répartie parmi les volontaires. Les participants dont le poids à la naissance était inférieur à 2,5 kg ou supérieur à 4 kg avaient un plus fort risque d’avoir un foie gras que les personnes avec un poids de naissance intermédiaire, et ce après avoir pris en compte les autres facteurs comme l’âge, le sexe, l’alimentation, le niveau d’activité physique et le niveau d’étude.

« Chez les personnes avec un petit poids de naissance, l’association avec un « foie gras » n’est pas forcément due à un surpoids ou à une obésité à l’âge adulte. Cela s’explique probablement par une répartition et un fonctionnement différents des graisses et par une sensibilité plus faible à l’insuline produite par l’organisme. Cela favorise un afflux des graisses vers le foie. Ces anomalies peuvent se mettre en place dès la vie fœtale, mais ce n’est probablement pas la seule explication » explique Coralie Amadou, médecin endocrinologue-diabétologue au Centre hospitalier sud francilien de Corbeil-Essonnes et chercheuse à l’Université Paris-Saclay, qui a réalisé les analyses. « En revanche, pour les personnes ayant un gros poids de naissance, l’association est très liée à un niveau d’obésité plus important. Et il semblerait que ces personnes aient moins de risque de développer des complications du « foie gras », telles que des cirrhoses, comparativement aux petits poids de naissance » poursuit-elle.

L’équipe de recherche a également trouvé une association avec la date du terme de la grossesse. Les bébés prématurés sont plus à risque d’avoir plus tard un foie gras. « Ces analyses nous montrent que le petit poids de naissance est très lié à la prématurité et qu’en plus des hypothèses avancées précédemment, la prématurité peut également participer à une immaturité du foie et du tissu graisseux, entre autres » conclut Coralie Amadou.

Référence bibliographique :

Coralie Amadou, Oumarou Nabi, Lawrence Serfaty, Karine Lacombe, Jérôme Boursier, Philippe Mathurin, Céline Ribet, Victor de Ledinghen, Marie Zins, Marie-Aline Charles. Association between birth weight, preterm birth, and nonalcoholic fatty liver disease in a community-based cohort. Hepatology (2022). doi: 10.1002/hep.32540.

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