Les hormones féminines sont-elles bénéfiques pour vieillir en bonne santé ?

Une étude menée grâce à la participation de 34 000 volontaires de Constances montre l’effet bénéfique de l’exposition aux hormones féminines sur les performances physiques à 45 ans et plus. Unique dans le monde par sa taille et la richesse de ses données « vie entière », cette étude est publiée en février 2023 dans Maturitas.

Contrairement aux hommes, les femmes subissent de fortes variations des taux circulants d’hormones sexuelles au cours de leur vie. C’est notamment le cas des oestrogènes, l’hormone féminine principale. Or, ces oestrogènes sont connus, entre autres, pour avoir des effets bénéfiques sur les muscles et les os, ainsi que sur le système cardiovasculaire et nerveux. Les femmes exposées plus longtemps et/ou plus intensément aux oestrogènes présentent-elles de meilleures performances physiques à long terme ? Quelques études, centrées essentiellement sur la ménopause et la vitesse de marche, le suggèrent. Mais qu’en est-il des autres caractéristiques de la vie reproductive et de la prise d’hormones exogènes ?

« La cohorte Constances est un outil idéal pour répondre à ces questions en intégrant l’ensemble des caractéristiques des évènements hormonaux, de la puberté à la ménopause, ainsi que les traitements utilisés à base d’hormones sexuelles, tels que les pilules ou les traitements de la ménopause, et ce, avec une puissance statistique importante en raison de la taille de l’étude » indique Marianne Canonico, chercheuse Inserm au Centre de recherche en épidémiologie et santé des populations (CESP) de Villejuif. Comme pour d’autres études antérieures, les chercheurs de l’équipe « Exposome, hérédité, cancer et santé » se sont intéressés à la vitesse de marche des participantes de la cohorte.

 

Pourquoi la vitesse de marche ?

Facile à mesurer de manière rapide et reproductible, la vitesse de marche est un bon indicateur des performances physiques et de l’état de santé. De bonnes performances physiques sont associées à un risque diminué de chutes, de fractures et d’hospitalisations. Entre 2012 et 2020, plus de 34 000 femmes de 45 ans et plus ont réalisé un test de vitesse de marche usuelle et rapide sur 3 mètres lors de leur premier bilan de santé dans les Centres d’examens de santé participant à Constances.

Les scientifiques ont confronté la vitesse de marche rapide de ces 34 000 participantes à leurs réponses au questionnaire « santé des femmes » et notamment aux questions sur l’âge de leurs premières règles, le nombre de grossesses, les périodes d’allaitement, le type de contraception, l’âge et le type de ménopause et la prise de traitements hormonaux de la ménopause.

Un effet bénéfique de l’exposition aux hormones féminines

Les scientifiques ont observé une diminution de la vitesse de marche chez les femmes ayant eu une ménopause précoce (entre 40 et 44 ans) ou prématurée (avant l’âge de 40 ans) par rapport aux femmes ayant eu une ménopause entre 45 et 55 ans. En revanche, la vitesse de marche était similaire chez les femmes ayant eu une ménopause tardive (à 55 ans et plus) et chez celles ayant eu leur ménopause entre 45 et 54 ans.

La vitesse de marche était diminuée significativement chez les femmes qui ont eu une durée de vie reproductive (définie comme la différence entre l’âge ménopause et l’âge des premières règles) plus courte. Aucune association avec la prise d’hormones via des pilules contraceptives ou des traitements hormonaux de la ménopause n’a été décelée.

« Ces résultats sont cohérents avec l’hypothèse d’un effet bénéfique de l’exposition aux hormones féminines naturelles sur la vitesse de marche. Nous trouvons de plus un effet positif des grossesses et de l’allaitement qui sont un moment de forte production de différentes hormones féminines. Par rapport au nombre de grossesses, l’effet positif disparaît après 3 enfants. Une des explications pourrait être, en plus du poids des accouchements multiples, une charge éducative reposant encore en grande partie sur les femmes dans cette génération de participantes de Constances, » indique Marianne Canonico qui a encadré la thèse de Maryline Le Noan-Lainé sur le sujet.

L’équipe a également regardé si une partie des associations entre les paramètres hormonaux et la vitesse de marche pouvait être expliquée par des facteurs de risque cardiovasculaires (comme l’hypertension artérielle, l’hypercholestérolémie, le diabète ou les maladies cardio- et cérébro-vasculaires), la fonction cognitive ou la dépression. Mais, à chaque fois, ces paramètres expliquent peu, ou pas, les associations observées entre les expositions hormonales et la vitesse de marche. « Cela va plus dans le sens d’un lien direct des hormones féminines sur la vitesse de marche que par ces facteurs ».

Unique dans le monde par sa taille et par la richesse des données sur l’exposition hormonale « vie entière », cette étude contribue à identifier des groupes de femmes à risque de moins bonnes performances physiques (par exemple les femmes ayant eu une ménopause avant l’âge de 45 ans, les femmes ayant eu plus de 3 grossesses) et chez lesquelles des actions de prévention ciblées (promotion de l’activité physique notamment) pourraient être plus particulièrement proposées.

Référence bibliographique :

Le Noan-Lainé M, Artaud F, Ndoadoumgue AL, Ozguler A, Cœuret-Pellicer M, Ringa V, Elbaz A, Canonico M.  Characteristics of reproductive history, use of exogenous hormones and walking speed among women: Data from the CONSTANCES French Cohort Study, Maturitas 2023 Apr (Epub 2023 Feb 9), 170:42-50. doi: 10.1016/j.maturitas.2023.01.008. 

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