Covid-19 : les coulisses de l’envoi des kits

Plus de 40 000 kits d’auto-prélèvement sanguin ont été envoyés à des volontaires de Constances dans le cadre du projet SAPRIS-SERO. Nathalie Lydié et Delphine Rahib, responsable et chargée d’étude au sein de la Direction de la prévention et de la promotion de la santé à Santé publique France, étaient en charge de leur préparation. Interview croisée.

Pourquoi avoir choisi un auto-prélèvement sur papier buvard ?

Nathalie Lydié : Santé publique France a l’expérience d’études comportant un volet biologique incluant l’utilisation de kits d’auto-prélèvement sur papier buvard. Nous les avions expérimentés en 2016 dans le cadre du BaroTest pour évaluer l’acceptabilité et la faisabilité de l’auto-prélèvement à domicile pour le dépistage du VIH et des hépatites B et C auprès d’un large échantillon de la population générale — près de 15 000 personnes. Cette expérience nous a permis d’être en capacité d’organiser seulement en quelques semaines le volet biologique de l’étude SAPRIS-SERO pilotée par l’INSERM. Au début du mois de mai, nous avons pu mettre à disposition 20 000 kits d’auto-prélèvement aux volontaires de 4 cohortes françaises : Constances, Elfe-Epipage2, E3N-E4N et Nutrinet- Santé — dont 8 000 kits pour Constances. Mais les difficultés ont été nombreuses. Nous étions en période de confinement et beaucoup d’entreprises étaient à l’arrêt, ce qui a terriblement compliqué l’approvisionnement en matériel et la constitution des kits. Outre les problèmes logistiques, la principale difficulté a été notre faible connaissance de la maladie COVID-19 qui nous a obligés à décider dans un contexte d’incertitude. Nous savions que le buvard était un très bon support pour le VIH ou les hépatites – la littérature est abondante sur ce sujet – mais nous avions moins de certitudes s’agissant du virus SARS-CoV-2. D’autres options ont été discutées comme un prélèvement salivaire ou nasopharyngé. Ce dernier semblait trop complexe à réaliser par une personne et la salive contient moins d’anticorps que le sang. Par ailleurs, le buvard est un support très stable et l’expérience du BaroTest a montré que les personnes parvenaient très bien à déposer quelques gouttes de sang sur celui-ci après une petite piqûre au bout du doigt. C’est donc le buvard qui a été choisi en accord avec les virologues associés aux projets.

4 confettis de sang ont été découpés dans les papiers buvards et envoyés à l’Unité des virus émergents de Marseille pour analyse sérologique.

L’envoi de kits de la 2ème vague a-t-il été plus facile à organiser ?

Delphine Rahib : Le succès de la 1ère vague d’envoi des kits nous a permis de monter en puissance pour la 2ème vague du projet SAPRIS-SERO et d’envoyer 80 000 kits dont 33 000 vers des volontaires de Constances. Des adaptations ont été nécessaires, comme les enveloppes retour dont nous avons amélioré le design pour permettre une meilleure identification par les agents en charge du traitement de ce courrier, ou l’identification en urgence de nouveaux auto-piqueurs après l’épuisement du stock chez le fournisseur de la 1ère vague. Nous avons pu ajouter du matériel, comme des pansements, que nous n’avions pas pu nous procurer en mai. Ce sont ces ajustements qui ont entrainé un décalage de 2 semaines dans l’envoi des kits de la 2ème vague et amené un nouveau challenge : la poursuite de l’étude en pleine période estivale !

De nouveaux auto-piqueurs (avec embouts violets) ont dû être commandés pour la 2ème vague d’envoi de kits après l’épuisement brutal du stock chez le fournisseur de la 1ère vague.

Les papiers buvards avec gouttes de sang sont-ils réceptionnés par Santé publique France ?

Delphine Rahib : Non, tous les buvards arrivent au Centre de ressources biologiques du CEPH (Fondation Jean Dausset) à Paris. Ils sont alors enregistrés par leur numéro unique, puis préparés (4 confettis de sang sont découpés dans les gouttes de sang) pour être expédiés vers le laboratoire de virologie (« Unité des virus émergents », Inserm, IRD, Aix-Marseille Université) en vue de leur analyse sérologique. Le reste du papier buvard, qui contient encore des échantillons sanguins, est conservé individuellement dans un sachet hermétique et opaque dans des congélateurs à -30°C. De nouvelles analyses pourront être effectuées ultérieurement, en fonction de l’évolution des techniques de recherche sur le COVID-19.

Arrivée des enveloppes retour au Centre de ressources biologiques du CEPH (Fondation Jean Dausset) à Paris.

Nathalie Lydié : Santé publique France a apporté son expertise dans l’organisation du volet biologique des enquêtes mais elle n’est qu’un maillon de la chaîne. Il s’agit véritablement d’un travail d’équipe. Le propre de ces projets est d’associer de nombreux acteurs avec des compétences complémentaires aux différentes étapes du projet. Par exemple, lors des étapes préparatoires à l’envoi des kits, outre le choix du support de prélèvement, il faut identifier, réunir et préparer les différents éléments qui accompagneront le buvard et constitueront donc le kit : les auto-piqueurs, les sachets plastique, les pansements, les enveloppes retour pré-imprimées avec l’adresse du Centre de ressources biologiques, le mode d’emploi pour l’auto-prélèvement qu’il faut créer et imprimer, etc. Une fois que les différents éléments sont réunis, les équipes logistiques peuvent démarrer la constitution des kits qui se fait à la main. Les chaînes de montage sont organisées pour limiter les risques d’erreur mais l’erreur est humaine et il est arrivé lors de la vague n°1 que des volontaires reçoivent un kit incomplet. Une fois les kits prêts, ils sont expédiés par la Poste. La Poste est un acteur important du dispositif avec lequel doit être défini en amont le type de protection et d’enveloppes à utiliser afin de garantir la sécurité des agents en charge du traitement des plis retour contenant les prélèvements sanguins et respecter la réglementation européenne sur le transport de matériel biologique. C’est bien la réunion des différents acteurs et de leurs compétences qui rend un projet comme celui-là possible. Mais le maillon central de la chaîne ce sont les volontaires qui acceptent de participer et renvoient leur buvard car, sans cela, il ne serait pas possible de connaître le statut immunitaire de la population française.

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