Hypertension : des disparités territoriales inexpliquées

Constances révèle d’importantes disparités territoriales dans la prévalence de l’hypertension en France métropolitaine. Ces différences sont expliquées à 30 % pour les hommes et 40 % pour les femmes par des déterminants individuels. D’autres pistes sont évoquées pour expliquer ces résultats, parmi lesquelles des pistes environnementales.

Dans le monde, peu d’études scientifiques se sont penchées sur les différences intra-nationales de prévalence de l’hypertension artérielle. Or l’hypertension, en provoquant notamment accidents vasculaires cérébraux (AVC) et maladies cardiovasculaires, est l’un des principaux facteurs de mortalité dans le monde selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS). En France, une seule étude publiée en 2008 présentait des résultats sur 3 zones géographiques, montrant un gradient Nord-Sud avec une prévalence d’hypertension plus forte à Lille qu’à Strasbourg puis Toulouse. Grâce à Constances, des chercheurs de Rennes ont réalisé une étude plus complète en comparant les prévalences d’hypertension entre 16 départements français, en se basant sur les 16 Centres d’examens de santé (CES) dans lesquels 62 247 participants de Constances se sont déplacés entre 2012 et 2015 pour réaliser leur 1er bilan de santé avec prise de leur pression artérielle selon un protocole standardisé et des appareils régulièrement contrôlés.

De grandes différences entre les 16 départements

Les prévalences de l’hypertension entre les 16 départements étudiés sont très variables, allant du simple au double pour les hommes. Dans le département du Nord (CES de Lille), il y a 2 fois plus de volontaires hypertendus qu’à Paris (53,7 % versus 28,8 %). Des disparités importantes se révèlent parfois à l’intérieur d’une même région notamment en Bretagne. Dans le département de la Loire-Atlantique (CES de Saint-Nazaire), il y a 10 % de plus de volontaires hypertendus que dans le département des Côtes d’Armor (CES de Saint-Brieuc), et ce tant pour les hommes (42,5 % versus 29,7 %) que pour les femmes (28,0 % versus 18,9 %).

Des déterminants individuels qui n’expliquent pas tout

La richesse des données de Constances a permis aux chercheurs de déterminer si ces différences de prévalence étaient expliquées par les facteurs de risque individuels des volontaires habitant dans les départements concernés. Par exemple : la plus forte prévalence dans tel département est-elle liée à une plus forte proportion de volontaires en surpoids ou avec des antécédents familiaux d’hypertension ? Résultats ? Les différences géographiques sont expliquées seulement à 30 % pour les hommes et à 40 % chez les femmes par les facteurs de risque connus de l’hypertension : l’indice de masse corporelle, les antécédents familiaux, les caractéristiques socio-économiques…

Les pistes pour appréhender ces disparités géographiques

Pour essayer de comprendre l’existence des différences géographiques non expliquées par des déterminants individuels, plusieurs pistes sont avancées. « D’abord, les limites liées à certaines mesures peu spécifiques comme la variabilité génétique de l’hypertension, appréhendée dans l’étude par la présence d’antécédents familiaux d’hypertension déclarés par les participants. La meilleure variable aurait été une variable issue d’une analyse génomique mais c’est assez compliqué, d’autant que pour l’hypertension, beaucoup de gènes sont impliqués » souligne Lola Neufcourt, chercheuse au sein de l’équipe REPERES de Rennes qui a mené l’étude.

Ensuite, des pistes environnementales comme l’environnement de vie et l’environnement de travail. « Nous attendons beaucoup des calendriers résidentiels qui permettront d’évaluer le rôle des pollutions environnementales telles que la pollution atmosphérique ou le climat. Il sera également intéressant d’utiliser les calendriers professionnels remplis par les volontaires pour mesurer les expositions chimiques ou physiques au travail. Par ailleurs, les résultats des 2e bilans de santé que les volontaires ont déjà, ou sont en train de réaliser, permettront de consolider ces résultats et de refaire ces cartes pour estimer l’évolution des disparités de prévalence de l’hypertension dans ces territoires » explique l’épidémiologiste. « L’observation de différences notables entre prévalences est importante car elle incite à définir des politiques de prévention tenant compte de particularités locales. Et le suivi dans le temps des volontaires de Constances permettra de vérifier leur efficacité » conclut Marcel Goldberg, l’un des 2 responsables scientifiques de la cohorte Constances.

Référence bibliographique :
Geographical variations in the prevalence of hypertension in France: Cross-sectional analysis of the CONSTANCES cohort, Neufcourt et al. (2019) Eur J Prev Cardiol. 26(12):1242-1251.

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