Solvants et performances cognitives

Grâce à Constances, des chercheurs se sont penchés pour la 1ère fois sur l’utilisation professionnelle de solvants et les performances cognitives chez les femmes. Ils montrent une association entre l’usage de White-spirit, ou l’exposition pendant plus de 20 ans à un solvant, et de moins bonnes performances cognitives. Publiée le 19 février 2020 dans Occupational and Environmental Medicine, cette étude apporte aussi des résultats sur les hommes en population générale.

Les solvants servent à nettoyer les métaux, à diluer les peintures, les encres, à décaper les vernis… Plusieurs études ont montré que les expositions professionnelles aux solvants avaient des effets délétères sur les performances cognitives des hommes, mais elles reposent en général sur des populations de taille limitée et spécialisées dans un type d’activité comme la métallurgie ou l’imprimerie. Pour la 1ère fois, à notre connaissance, des chercheurs publient des résultats pour des hommes en population générale mais surtout, pour des femmes, en se reposant sur la cohorte Constances et une extraction de données comportant près de 42 000 volontaires âgés de 45 à 69 ans.

Des performances cognitives plus faibles

Par rapport aux hommes non exposés aux solvants dans leur travail, les chercheurs trouvent une augmentation de la probabilité d’avoir de moins bonnes performances cognitives globales :

  • de 12 % pour les hommes utilisant de l’essence pour se laver les mains dans un cadre professionnel ;
  • de 14 % pour les hommes exposés au White-spirit ;
  • de 17 % pour les hommes manipulant du diluant cellulosique.

Aucune association significative entre performance cognitives et exposition au trichloréthylène n’a été mise en évidence.

Chez les femmes, les volontaires utilisant du White-spirit, ou exposées à un solvant pendant plus de 20 ans, ont de moins bonnes performances cognitives que les femmes non exposées. « C’est la 1ère fois qu’une étude peut s’intéresser à l’effet de l’utilisation de solvants au travail sur les performances cognitives de femmes. Les femmes sont moins souvent exposées aux solvants dans le cadre de leur travail, il faut donc un échantillon de grande taille pour pouvoir étudier leurs possibles effets, ce que Constances a permis » souligne Noémie Letellier qui a mené ces analyses dans le cadre de son doctorat sous la supervision de Claudine Berr, directrice de recherche à l’Inserm à Montpellier.

Près de 42 000 volontaires Constances intégrés dans l’étude

Ces résultats sont basés sur une extraction de données de la cohorte Constances de janvier 2019 comportant 41 854 volontaires âgés de 45 à 69 ans qui avaient rempli un autoquestionnaire sur l’exposition professionnelle durant leur vie professionnelle, et réalisé des tests cognitifs standardisés dans les Centres d’examens de santé. Parmi eux, 2,5 % des femmes et 16,8 % des hommes sont, ou ont été exposés, aux solvants dans leur travail, et ce en moyenne depuis 14 ans pour les femmes et 17 ans pour les hommes. Sans surprise, les volontaires les plus exposés sont ceux travaillant dans les secteurs de la métallurgie, la mécanique, la maintenance d’équipements industriels, le nettoyage…

Pour réaliser leurs analyses statistiques, les chercheurs ont pris en compte les autres facteurs pouvant jouer sur les résultats aux tests cognitifs : l’âge et le niveau d’éducation, le fait de fumer, la consommation d’alcool, l’obésité, les facteurs de risque cardiovasculaires… C’est là l’une des grandes forces de la cohorte Constances.

Ces résultats sont les 1ers du projet « Expositions professionnelles aux solvants et vieillissement » soutenu par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses). Deux autres analyses sont actuellement en cours : une sur l’exposition au formaldéhyde et les performances cognitives, une sur l’exposition aux solvants et les résultats aux tests physiques (vitesse de marche et mesure de la force musculaire). « A plus long terme, la cohorte Constances permettra aussi de tester si les expositions professionnelles aux solvants sont liées à la survenue de maladies neurodégénératives comme la maladie d’Alzheimer ou la maladie de Parkinson » souligne Claudine Berr.

Référence bibliographique :

Letellier, N. et al. Association between occupational solvent exposure and cognitive performance in the French CONSTANCES study. Occup Environ Med. 2020 Apr; 77(4): 223–230. DOI: 10.1136/oemed-2019-106132

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