Tests sérologiques COVID-19 : qu’en conclure?

Des milliers d’échantillons sanguins de volontaires de Constances sont actuellement analysés dans un laboratoire à Marseille. Les scientifiques recherchent la présence d’anticorps contre le virus responsable de la maladie COVID-19. Trois questions à Xavier de Lamballerie, directeur  directeur de l’Unité des virus émergents de Marseille, sous tutelle de l’INSERM, l’Université d’Aix-Marseille et l’IRD.

Quelles méthodes utilisez-vous pour rechercher les anticorps potentiellement produits par les volontaires qui ont rencontré le virus ?

Xavier de Lamballerie : Nous utilisons 2 méthodes. Dans un 1er temps, nous réalisons la technique simple et rapide ELISA sur tous les échantillons de sérum issus des buvards sur lesquels les participants ont déposé une goutte de sang. Cette méthode — aussi utilisée dans les laboratoires commerciaux — recherche dans le sang la présence d’anticorps capables de reconnaître la protéine S, qui se trouve à la surface du virus et lui permet de s’accrocher aux cellules pour y rentrer et s’y multiplier. Si le résultat d’ELISA est négatif, il y a une forte probabilité que la personne n’ait pas été infectée par le virus.

Représentation d’artiste de l’enveloppe extérieure classique d’un coronavirus. Crédits : Alissa Eckert, MS; Dan Higgins, MAMS.

Dans le cas d’un résultat d’ELISA positif, ou douteux, nous procédons à un test dit de « séroneutralisation ». Ce test est réalisé dans un laboratoire haute sécurité de niveau P3, avec des techniciens sous scaphandre. Nous préparons des dilutions des sérums des volontaires et les mélangeons avec des cellules et SARS-CoV-2, le virus responsable de la maladie COVID-19. Si au bout de 5 jours, les cellules ne sont pas infectées, cela indique que le sérum contenait des anticorps dits « neutralisants » qui se fixent fortement au virus et l’empêchent d’infecter les cellules.

Si le résultat à ce test de « séroneutralisation » est positif, nous sommes alors sûr à quasi 100 % que la personne a rencontré SARS-CoV-2. Mais attention, cela ne veut pas dire que la personne est protégée face à une nouvelle infection ! Nous n’avons pas encore — pour le COVID-19 — ce que l’on appelle un « corrélat de protection » : nous ignorons quelle quantité d’anticorps est nécessaire pour protéger efficacement contre l’infection. Il est essentiel que la personne testée positive continue à se protéger, et à protéger les autres, en maintenant les gestes barrière, en portant un masque et en gardant des distances physiques.

L’automate ELISA permet d’analyser jusqu’à 1350 échantillon à la fois.

Vous obtenez parfois des résultats d’ELISA positif et « séroneutralisation » négatif. Comment les expliquez-vous ?

Xavier de Lamballerie : Cette situation est la plus difficile à interpréter — et aussi la plus frustrante pour les personnes qui recevront ce type de résultat. Pour une partie des personnes concernées, ces résultats contradictoires peuvent être liés au fait que la personne possédait des anticorps développés contre un autre coronavirus (par exemple ceux provoquant certains rhumes) qui reconnaissent aussi l’enveloppe du SARS-CoV-2, d’où le test ELISA positif.

Pour d’autres personnes, il peut s’agir de la marque d’une authentique infection par le SARS-CoV-2 mais sans anticorps neutralisants détectés, soit parce que la personne n’en a jamais sécrétés, soit parce qu’elle les a perdus au cours du temps. Nous travaillons beaucoup pour essayer d’améliorer l’interprétation des résultats dans ce cas particulier, mais il nous faudra sans doute encore un peu de temps pour y voir clair. Avouons-le modestement, nous savons encore assez peu de choses sur la réponse immunitaire déclenchée face au SARS-CoV-2.

Le test de séroneutralisation se déroule dans un laboratoire de biosécurité de niveau 3. Les analyses sont en grande partie automatisées afin de protéger le personnel et augmenter la productivité. Cet automate est en train d’ajouter le virus SARS-CoV-2 aux dilutions de sang issus des buvards.

Des études antérieures suggèrent une durée de persistance des anticorps neutralisants de 1 à 3 ans contre les coronavirus responsables de rhumes mais aussi SARS-CoV-1 et MERS-CoV. Qu’en est-il pour SARS-CoV-2 ?

Xavier de Lamballerie : Nous n’en savons rien du tout ! Nous n’avons le recul nécessaire ni pour estimer la durée de persistance des anticorps neutralisants, ni l’efficacité de leur protection. Au risque de me répéter : identifier des anticorps grâce aux tests ELISA ou de « séroneutralisation » n’est, en l’état des connaissances actuelles, pas synonyme de protection. Nous utilisons ces résultats à ce stade seulement pour identifier une infection passée, pas pour prédire une protection future. Nous invitons tous les volontaires des cohortes participant au projet SAPRIS à ne pas modifier leurs comportements de protection vis-à-vis d’eux-mêmes et des autres en fonction des résultats qui leur seront rendus. Il est essentiel de garder masques et gestes barrière.

A gauche : des cellules non infectées par le virus SARS-CoV-2, preuve que l’échantillon de sang contenait des anticorps neutralisants capable d’empêcher le virus d’entrer dans les cellules. A droite : de nombreuses cellules ont été détruites, preuve de l’absence d’anticorps neutralisants contre le virus.
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