Un lien entre glucides raffinés et myopie chez les hommes

Dans Constances, une alimentation riche en glucides raffinés (pâtisseries, pain blanc, biscuits…) est associée à une augmentation de la probabilité d’être myope chez les hommes, mais pas chez les femmes. Publiés le 22 mars 2025 sur le site de la revue Clinical Nutrition ESPEN, ces résultats seront approfondis par une étude longitudinale afin d’établir le risque de voir apparaître la myopie après une alimentation riche en glucides raffinés de manière claire et nette.

C’est un fait établi, basé sur des chiffres sans appel. Partout dans le monde, on observe une augmentation de la myopie avec le mode de vie occidental. La myopie, qui se définit par une bonne vision de près et une mauvaise vision de loin, est liée à une croissance trop importante du globe oculaire.

Bien qu’une base génétique de la myopie ait été démontrée, les facteurs environnementaux et liés au mode de vie, tels que le niveau d’éducation, le travail de près, l’urbanisation et le temps passé en intérieur jouent aussi un rôle dans son développement. Outre ces facteurs, les habitudes alimentaires et en particulier la consommation accrue de glucides raffinés (céréales du petit déjeuner, pâtisseries, gâteaux, pain blanc, biscuits…) sont suspectées d’interagir avec la myopie, potentiellement via des mécanismes liés à l’insuline.

Car qui dit forte consommation de glucides raffinés, dit libération rapide de grandes quantités de glucose dans le sang et pic de production d’insuline pour maintenir une glycémie normale. Or, l’insuline est une hormone connue pour aussi influencer la croissance du globe oculaire ! Aucune étude épidémiologique n’avait toutefois encore considéré l’association entre la myopie et une alimentation riche en glucides raffinés chez les adultes. Une équipe de l’Institut des sciences de l’évolution de Montpellier (ISEM) a eu l’idée lumineuse d’utiliser les données de Constances.

La myopie est liée à un globe oculaire trop long. L’image d’un objet lointain se forme devant les cellules rétiniennes et de ce fait est floue.

Une myopie pour 46 % des femmes et 39 % des hommes

Les chercheurs se sont focalisés sur les volontaires de Constances âgés entre 18 et 40 ans inclus en 2015. La myopie des participants a été évaluée grâce aux mesures du bilan de santé initial, incluant le test de Monoyer à 5 mètres, complétées par leurs réponses à l’auto-questionnaire (port de lunettes, myopie connue). Les scientifiques ont également pris en compte d’autres facteurs pouvant influencer la myopie, comme l’âge, le sexe, le niveau d’éducation, l’activité physique. A noter que les personnes de plus de 40 ans n’ont pas été intégrées dans l’étude car leurs problèmes de vision peuvent être liés au vieillissement.

Il est apparu que 46 % des femmes et 39 % des hommes présentaient une myopie à au moins un œil. « Cette prévalence plus forte chez les femmes que chez les hommes était attendue. Elle se retrouve dans la population générale française mais aussi aux États-Unis, en Australie et dans des pays d’Asie » indique Claire Berticat, chercheuse à l’ISEM.

Les réponses des volontaires à la question 12 du questionnaire « Mode de vie et santé » ont permis aux chercheurs de déterminer la « charge glycémique » de l’alimentation. Cette charge glycémique est calculée à partir de la quantité de glucides dans une portion de nourriture standard et de son indice glycémique (la rapidité avec laquelle l’aliment augmente la glycémie).

Des glucides raffinés et des pics d’insuline

Les analyses statistiques menées sur 2 882 femmes et 2 389 hommes ont établi que la consommation de glucides raffinés augmentait significativement la probabilité d’être myope chez les hommes, mais pas chez les femmes. « Cette différence est probablement liée à un métabolisme différent chez les femmes et les hommes. Les hommes présentent généralement une moins bonne sensibilité à l’insuline que les femmes, entraînant une production excessive d’insuline après la consommation de glucides raffinés — un phénomène appelé hyperinsulinémie compensatoire. Cette hyperinsulinémie stimulerait indirectement la croissance du globe oculaire, favorisant ainsi l’apparition de la myopie. Chez les femmes, cette réponse insulinique étant moins marquée, l’effet sur la croissance de l’œil — et donc sur le risque de myopie — serait plus limité, ce qui pourrait expliquer l’absence d’association significative observée chez elles » explique la spécialiste en nutrition.

Cette étude réalisée dans le cadre du projet « Myopie et consommation de sucres » se prolonge aujourd’hui par un suivi longitudinal afin de confirmer le lien entre l’alimentation et l’apparition de myopie au cours du temps. « Mais d’ores et déjà, nous ne pouvons que conseiller aux participants, et à chacun, de consommer le moins de produits transformés possible, pour leur santé globale » conclut Michel Raymond, chercheur à l’ISEM qui a mené l’étude avec Claire Berticat.

Référence bibliographique : 

Claire Berticat, Elisa Venturini, Vincent Daien, Marcel Goldberg, Marie Zins & Michel Raymond. Association between myopia and refined carbohydrate consumption: A cross-sectional study from the Constances cohort. Clinical Nutrition ESPEN. 2025. DOI: 10.1016/j.clnesp.2025.03.033