Métaux atmosphériques : 1ères cartes sur Paris et Lyon

Des prélèvements de mousses dans des cimetières ont permis d’établir les 1ères cartes de concentration en métaux à une échelle 500 m x 500 m sur les métropoles de Paris et Lyon. Ces cartes sont une manière d’approcher la teneur en éléments métalliques dans l’air extérieur. Elles seront prochainement croisées avec les résultats aux tests cognitifs de volontaires de Constances. Des travaux similaires sont en cours sur Lille, Lens, Rennes et Saint-Brieuc.

En mai 2018, 77 cimetières situés dans une zone circulaire de 40 km de rayon autour du centre de Paris ont reçu la visite de chercheurs spécialistes des mousses de l’unité PatriNat (MNHN, CNRS, OFB). En juin 2018, ce fut au tour de 51 cimetières localisés 30 km autour du centre de Lyon. Dans chacun d’eux, des échantillons d’une espèce de mousse typique des cimetières, Grimmia pulvinata, ont été prélevés soit sur les murets d’enceinte, soit sur des tombes en ciment. Tous les échantillons ont ensuite été préparés afin d’en déterminer leur teneur en 13 éléments métalliques : cuivre, antimoine, plomb, cadmium…

Objectif : avoir des informations sur les teneurs en métaux dans l’air

Dépourvues de racines, les mousses s’approvisionnent uniquement par l’air dont elles captent tous les composés. Au travers de nombreuses études, les mousses terrestres sont apparues comme des bio-accumulateurs efficaces permettant d’estimer les concentrations de certains contaminants atmosphériques, tels que les métaux. Via le dispositif BRAMM et des prélèvements effectués en forêt sur d’autres espèces de mousse, des cartes de concentration des métaux atmosphériques existent déjà sur la France métropolitaine. Mais ces cartes sont surtout représentatives des territoires ruraux. La nouveauté du travail réalisé dans le cadre du projet PoCoMo de Constances est de l’avoir effectué dans des zones urbaines françaises. Des concentrations bien plus importantes ont été trouvées. « Pour le cuivre — émis notamment par le frottement des plaquettes de freins des voitures, les taux apparaissent être plus de 10 fois supérieurs à Paris par rapport aux zones rurales » indique Emeline Lequy, chercheuse de l’UMS 11 qui a coordonné l’étude publiée le 4 mars 2022 dans Environnemental Pollution.

Modélisation spatiale

Les chercheurs ont ensuite analysé les relations entre les teneurs en métaux dans les mousses et un ensemble de caractéristiques du territoire, telles que la distance aux grands axes routiers, le pourcentage d’aire urbaine autour des cimetières ou encore l’altitude. Pour chaque élément métallique, ils ont défini le meilleur modèle statistique permettant d’extrapoler les points de mesure à l’ensemble de l’aire urbaine de Paris et Lyon. Pour la plupart des métaux, c’est le pourcentage d’aire urbaine ou la densité de population qui expliquaient le mieux la variabilité des concentrations en métaux mesurées dans les mousses. « Nous avons testé l’effet de la présence d’industries mais cette variable n’est pas ressortie dans les zones urbaines autour de Paris ou de Lyon » précise Emeline Lequy qui travaille actuellement sur la réalisation de cartes pour Lille et Lens suite à des prélèvements réalisés en 2019. Des analyses chimiques sur des mousses prélevées dans des cimetières à Rennes et Saint-Brieuc en 2020 sont en parallèle effectuées à l’INRAE de Bordeaux.

Croiser exposition aux métaux et résultats aux tests cognitifs

La chercheuse travaille aussi à croiser les expositions aux métaux atmosphériques avec les résultats aux tests cognitifs des volontaires de Constances de 45 ans et plus. « De nombreux métaux, comme l’arsenic, le cadmium et le plomb, sont des toxiques reconnus pour la santé humaine ; le plomb et l’arsenic en outre sont neurotoxiques. Mais leur effet à faible dose par exposition respiratoire est mal connu » explique-t-elle. D’autres éléments comme l’aluminium, le vanadium, ou l’antimoine, sont des composants de la pollution de l’air dont les impacts sanitaires restent encore à préciser. « Les connaissances sur les effets de la pollution atmosphérique sur le fonctionnement cognitif commencent à s’accumuler. Nous venons de montrer que les volontaires de Constances plus exposés à la pollution atmosphérique et notamment à 3 polluants issus du trafic routier ont de moins bonnes performances cognitives. Grâce à ces cartes, nous allons pouvoir étudier les associations entre des estimations individuelles d’exposition aux métaux atmosphériques avec le fonctionnement cognitif dans une grande cohorte généraliste d’adultes » souligne Bénédicte Jacquemin, chercheuse INSERM à l’IRSET qui coordonne le projet PoCoMo.

Référence bibliographique :

Emeline Lequy, Caroline Meyer, Danielle Vienneau, Claudine Berr, Marcel Goldberg, Marie Zins, Sébastien Leblond, Kees de Hoogh, Bénédicte Jacquemi. Modeling exposure to airborne metals using moss biomonitoring in cemeteries in two urban areas around Paris and Lyon in France. Environ. Pollut. DOI: 10.1016/j.envpol.2022.119097

Aller au contenu principal