Tatouages : qui sont les tatoués de Constances ?

Un article publié dans International Journal of Epidemiology présente les profils des 13 000 volontaires tatoués de la cohorte Constances, ainsi que les caractéristiques de leurs tatouages. Une étape indispensable avant l’étude de risques potentiels de cancers.

Depuis les années 90, les tatouages sont à la mode. Si bien que d’années en années, le nombre de personnes tatouées en France ne cesse de grimper. Avec quels risques sanitaires potentiels à moyen et long terme ? Se tatouer implique l’injection d’encres dans le derme. Or, certaines molécules contenues dans ces encres sont classifiées comme cancérigènes en cas d’exposition orale (via l’alimentation) ou respiratoire. Est-ce aussi le cas lorsque ces substances sont injectées dans la peau ?

« Pour les cancers de la peau, il ne semble pas y avoir d’augmentation conséquente de risques comme l’ont montré 4 études, dont 3 études cas-témoins menées aux États-Unis et en Suède et une cohorte retrospective au Danemark. C’est cohérent avec le fait que les cancers de la peau concernent la couche épidermique alors que les encres sont injectées dans le derme. Concernant les cancers lymphatiques, une étude en Suède publiée en 2024 montre une augmentation du risque d’environ 20 % pour les personnes tatouées. C’est actuellement la seule étude sur le sujet » indique Milena Foerster, chercheuse au Centre international de recherche sur le cancer de Lyon, une agence de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

Les cancers lymphatiques (lymphomes) questionnent particulièrement les scientifiques car près de 70 % des molécules injectées dans le derme (parfois des métaux, des hydrocarbures aromatiques polycycliques…) sont transportées dans les ganglions lymphatiques – le lieu de prolifération et de différenciation des cellules immunitaires – où elles s’accumulent. Soumis en 2021 au Conseil scientifique international de Constances, le projet CRABAT a pour objectif d’évaluer les risques de survenue de tels cancers, mais aussi de cancers du foie, des reins ou de la vessie, parmi les volontaires de la cohorte. Ce projet repose en premier lieu sur le questionnaire de suivi de 2020 qui comportait une question sur la présence d’un tatouage.

Transport d'encres jusqu'à un ganglion lymphatique. Crédits : Figure d'Ines Schreiver et al. publié dans Scientific report, 2017, traduite en français. License : CC BY 4.0.

Plus de 13 000 volontaires tatoués 

Parmi les 115 000 répondants au questionnaire de 2020, près de 12 % ont déclaré un tatouage (13 276 volontaires exactement). Cette prévalence « brute » est moindre qu’en population française, avec un pourcentage d’adultes tatoués de 18 % en 2018 (Kluger et al. 2019). « C’est essentiellement lié à la structure d’âge de la cohorte avec notamment une plus grande proportion de personnes âgées de plus de 45 ans qu’en population générale. Pour comparer ces prévalences, il faudrait pondérer le pourcentage issu des réponses des volontaires de Constances afin d’ajuster l’influence des différentes strates d’âges, ce que nous n’avons pas fait car l’objectif était de décrire la population d’étude » explique la chercheuse.

1 femme de moins de 35 ans sur 3 est tatouée

L’analyse des répondants de Constances par tranches d’âge montre un fort effet générationnel : le pourcentage de personnes tatouées diminue avec l’âge, notamment pour les femmes.

  • Sur la tranche d’âge 18-35 ans, 31 % des femmes et 14 % des hommes déclarent être tatoués.
  • Sur la tranche d’âge 36-45 ans, 22 % des femmes et 13 % des hommes déclarent être tatoués.
  • Sur la tranche d’âge 46-55 ans, 15 % des femmes et 12 % des hommes déclarent être tatoués.
  • Sur la tranche d’âge 56-65 ans, 9 % des femmes et 7 % des hommes déclarent être tatoués.
  • Sur la tranche d’âge supérieure à 65 ans, 3 % des femmes et 2 % des hommes déclarent être tatoués.

Des surfaces tatouées de + en + grandes 

En 2023, un questionnaire complémentaire a été envoyé aux 13 276 volontaires tatoués de Constances, avec un taux de réponse de 60 %. Ce questionnaire nommé EpiTAT comprenait des questions sur la surface corporelle tatouée, la couleur et l’emplacement des tatouages, l’âge depuis le premier tatouage…

La surface médiane des tatouages est d’une paume de main, soit environ 152 cm2

Ces surfaces du corps tatouées augmentent de manière importante chez les jeunes générations –notamment pour les hommes, avec :

  • une surface moyenne de 623 cm2 pour les hommes de moins de 35 ans contre 278 cm2 pour les hommes de plus de 65 ans, soit une augmentation de 124 % des surfaces tatouées,
  • une surface moyenne 394 cm2 pour les femmes de moins de 35 ans contre 243 cm2 pour les femmes de plus de 65 ans, soit une augmentation de 62 % des surfaces tatouées.

La couleur la plus souvent utilisée est le noir/gris pour 90 % des répondants. Quant à leur localisation, les épaules et les bras sont les plus zones les plus souvent tatouées (77 % des hommes et 61 % des femmes).

Autres informations : la majorité des participants ont plusieurs petits tatouages, tandis qu’un cinquième ont surtout ou uniquement de grands tatouages. Enfin, près de 20% des répondants ont indiqué avoir réalisé au moins un tatouage hors d’un studio professionnel et 15 % dans un pays hors de France.

Milena Foerster et son équipe sont désormais en train d’analyser les risques potentiels de survenue de cancers associés aux tatouages. Des analyses qui seront renouvelées en 2027, puis tous les 5 ans, pour intégrer les nouveaux cancers (notamment les lymphomes) survenus chez les participants de Constances.

Références bibliographiques :

Bayan Hosseini, Rachel McCarty, Marie Zins, Marcel Goldberg, Céline Ribet, Ines Schreiver, Khaled Ezzedine, Joachim Schüz, Milena Foerster. Cohort Profile: The Cancer Risk Attributable to the Body Art of Tattooing (CRABAT) study. International Journal of Epidemiology. 2025. DOI: 10.1093/ije/dyaf132

Milena Foerster, Lucas Dufour, Wolfgang Bäumler,Ines Schreiver, Marcel Goldberg, Marie Zins, Khaled Ezzedine, Joachim Schüz. Development and Validation of the Epidemiological Tattoo Assessment Tool to Assess Ink Exposure and Related Factors in Tattooed Populations for Medical Research: Cross-sectional Validation Study. JMIR Form Res. 2023. DOI: 10.2196/42158