Volontaires : quelle est votre exposition aux rayonnements ionisants ?

Fruits de mers, radon, examens médicaux… Nous sommes exposés en permanence à des sources naturelles et artificielles de rayonnements ionisants. En 2023, 80 000 volontaires de Constances vont recevoir un questionnaire personnalisé afin de déterminer leur exposition individuelle à ces différentes sources de radioactivité. Olivier Laurent, chercheur à l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), nous en dit plus sur ce projet appelé CORALE.

Pourquoi s’intéresser à l’exposition individuelle des volontaires aux rayonnements ionisants ?

Olivier Laurent : Tout au long de notre vie, chacun d’entre nous est exposé à de faibles doses de rayonnements ionisants. Cela peut être dans le cadre de notre environnement résidentiel, avec notamment l’exposition au radon, un gaz naturellement émis par la croûte terrestre, mais plus fortement présent dans les sous-sols granitiques et volcaniques. Cela peut être via nos activités professionnelles et familiales, par exemple lors de voyages en avion en raison du rayonnement cosmique. Il existe aussi de nombreuses procédures médicales qui émettent des rayonnements ionisants : scanners, radiothérapies, mammographies, scintigraphies… Les applications industrielles et militaires des rayonnements ionisants ont également pu générer des expositions que nous allons prendre en compte dans notre étude.

Evaluer l’exposition individuelle des volontaires de Constances va nous nous permettre d’étudier les relations entre des expositions à de faibles doses de radioactivité avec des effets sur la santé, souvent tardifs. Car si les effets cancérigènes des rayonnements ionisants sont bien documentés pour des fortes doses, des controverses subsistent sur la quantification des risques à faibles doses. Nous allons nous intéresser aux cancers mais également à d’autres maladies chroniques pour lesquelles les questions sur les effets de faibles doses de radioactivité restent ouvertes. Nous allons pouvoir considérer les expositions individuelles durant la vie entière, mais aussi à différentes périodes de la vie, par exemple durant l’enfance, la puberté…

L’exposition naturelle au radon varie énormément en France métropolitaine. Elle est, par exemple, plus importante en Bretagne, en Corse et dans le Massif central. Mais elle dépend aussi de l’étage du lieu de résidence.

Pourquoi avoir limité votre questionnaire à 80 000 volontaires et non pas aux 220 000 participants de la cohorte ?

Laurent Olivier : Ce nouveau questionnaire sera un questionnaire personnalisé, utilisant les données de l’historique résidentiel auquel ont déjà répondu 80 000 volontaires de Constances. Pour toutes les adresses où les volontaires ont vécu, nous allons leur demander : « à quel étage, résidiez-vous : rez de chaussée ou au-dessus ? » – et si possible (mais pas obligatoirement), l’étage exact. C’est une donnée essentielle car le radon est un gaz plus lourd que l’air qui se concentre de préférence en sous-sol et au rez-de-chaussée et, dans une moindre mesure, aux étages peu élevés. Les volontaires n’auront pas à re-préciser et rechercher leur adresse pour une période donnée : les informations déjà renseignées dans leur historique seront rappelées. Mais, les questions posées ne se limiteront pas au radon. Il y aura aussi des questions sur les vols en avion, sur les expositions médicales aux rayonnements ionisants avant 2010, sur des consommations alimentaires (eau du robinet, champignons, gibiers, fruits de mer…) en vue d’estimer les expositions par ingestion d’éléments radioactifs naturellement présents, mais aussi à plusieurs métaux lourds.

Je tiens ici à remercier toute l’équipe Constances pour leur collaboration à la préparation de ce questionnaire, et d’avance tous les volontaires qui le rempliront en 2023. Nous espérons que le plus grand nombre de volontaires y répondront car tout le monde est plus ou moins exposé à de faibles doses de radioactivité au cours de sa vie, et parce que de larges effectifs de participants sont nécessaires pour pouvoir mettre en évidence les effets cumulés de doses dites « faibles ». Enfin, les réponses à certaines questions posées pourront être utiles pour estimer d’autres expositions environnementales à l’avenir. Ce sera notamment le cas du plomb, du nickel et du cadmium, dans le cadre d’une extension prévue du projet CORALE dénommée COREXCA, en collaboration avec l’Ineris, sur ces métaux lourds.

 

En France métropolitaine, l’exposition moyenne à différentes sources de radioactivité représente une dose de 4,5 millisieverts par an (mSv/an). Environ les 2/3 de l’exposition sont liés à des sources naturelles et 1/3 aux examens médicaux. Il existe néanmoins des différences importantes d’une personne à l’autre. C’est tout l’intérêt de l’étude CORALE : déterminer ces variations individuelles grâce à Constances. Crédits image : IRSN, 2016.

Avec quelles données allez-vous « croiser » les expositions individuelles des volontaires ?

Laurent Olivier : Nous allons nous référer à des bases de données constituées entre autres à l’IRSN et nous appuyer sur l’expertise de nombreux spécialistes. Sur le volet des expositions médicales, nous allons compléter les réponses des volontaires pour les années 2010 et suivantes avec des informations venant du SNDS (NDLR : le Système National des Données de Santé regroupe les données de l’assurance maladie et des hôpitaux, y compris pour les actes exposant aux rayonnements ionisants) pour finaliser l’estimation des doses. Afin d’évaluer l’exposition des quelques volontaires ayant été exposés à des rayonnements ionisants dans le cadre de leurs activités professionnelles (travailleurs du secteur nucléaire mais aussi d’autres industries utilisant des sources radioactives, professionnels de santé), nous interrogerons, après accord de la CNIL, le registre national d’expositions professionnelles aux rayonnements ionisants, intitulé SISERI et géré par l’IRSN. Enfin, nous allons apparier les réponses des volontaires sur leur résidence (adresse et étage) avec les bases de données de l’IRSN sur les expositions au radon, mais aussi avec d’autres cartographies de radioactivité : rayonnements gamma telluriques et cosmiques au sol, retombées d’essais nucléaires et de l’accident de Tchernobyl, rejets d’installations nucléaires….

Nous croiserons enfin cette reconstitution de multi-expositions aux rayonnements ionisants avec les réponses des volontaires aux questionnaires de santé et aux maladies identifiées dans le SNDS : cancers, pathologies de l’appareil circulatoire, respiratoire, autres maladies chroniques… C’est un grand chantier qui s’ouvre. Une doctorante, Sylvie Henyoh, va rejoindre le laboratoire LEPID à Fontenay-aux-Roses en novembre prochain pour le débuter.

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