Au sein de la cohorte, 3,7 % des femmes et 6,7 % des hommes ont déclaré avoir eu des rapports homosexuels. Le projet Homental se penche sur leur bien-être psychologique. Trois questions à
Ces pourcentages sont-ils en accord avec la littérature ?
Oui, ces pourcentages sont dans l'ordre de grandeur des estimations publiées. Ces dernières sont toutefois peu nombreuses en France. On peut évoquer 3 études antérieures : l'une menée en 1970 sur un échantillon de 2 500 personnes (rapport Simon, 1972), une autre en 1992 sur 4 600 individus (Spira et al., 1993) et la dernière en 2006 sur 12 300 personnes (Bajos et al., 2008). Notre étude repose sur 98 628 volontaires de Constances grâce à une extraction de données réalisée le 15 juin 2017. Les femmes et les hommes ayant eu des rapports homosexuels sont en moyenne plus jeunes, ils ont un niveau d'études plus élevé que les hétérosexuels et vivent moins souvent en couple. Ils habitent beaucoup plus souvent dans les grandes agglomérations, notamment en région parisienne. Ils sont beaucoup plus nombreux à avoir de multiples partenaires sexuels.
Vous vous intéressez à leur bien-être psychologique. Qu'entendez-vous par « bien-être psychologique » ?
Les données de Constances nous permettent d'étudier la fréquence des troubles dépressifs mesurés par une échelle spécialisée appelée le CES-D, et la fréquence des tentatives de suicide au cours de la vie. De plus, nous avons déterminé la fréquence de la dépendance à l’alcool grâce au questionnaire standardisé AUDIT de l’OMS et la fréquence de consommation de cannabis au cours des 12 derniers mois. Nous avons comparé ces fréquences selon que les répondants avaient eu, ou non, des rapports homosexuels.
Chez les femmes ayant eu des partenaires de même sexe, le risque de troubles dépressifs n’est pas différent après avoir pris en compte les autres facteurs connus pour être associés à ces troubles, tandis que les tentatives de suicide sont plus fréquentes. Chez les hommes ayant eu des rapports homosexuels, les fréquences de troubles dépressifs et de tentatives de suicide sont plus élevées que chez les hétérosexuels. Ces analyses statistiques prennent en compte l’âge, la vie en couple, les revenus, le statut d’emploi et la taille d’agglomération de résidence ainsi que l’âge au 1er rapport sexuel et le fait d’avoir eu plus de 10 partenaires sexuels. La discrimination, la stigmatisation, l'absence de soutien social et le rejet de la famille peuvent être des explications du risque accru de troubles dépressifs chez les personnes ayant des rapports homosexuels.
Quels sont vos résultats quant à la dépendance à l'alcool et la consommation de cannabis ?
Chez les hommes, il n'existe pas d'association significative entre le sexe des partenaires et la dépendance à l'alcool ou la consommation de cannabis, après ajustement sur les facteurs de confusion. Chez les femmes, le risque de dépendance à l’alcool et de consommation de cannabis est très augmenté chez celles ayant eu des partenaires de même sexe. Ces résultats sont globalement en concordance avec ceux publiés dans la littérature. Ils ont le mérite de reposer sur un très large échantillon, qui présente une réelle diversité sociale et de bonnes données relatives à la santé mentale et aux comportements en matière de consommation de substances psychoactives. Cependant ils sont fondés sur un indicateur d'orientation sexuelle un peu trop succinct : le sexe des partenaires alors que plusieurs travaux soulignent l’importance de l’autodéfinition en tant que gay, lesbienne ou hétérosexuel-le.